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Polychoralités Ibériques

Alors que le grand concert du 12 mars prochain à la Chapelle de la Trinité se prépare, l'artiste, enseignant et chercheur Tiago Simas Freire nous en dit plus les passionnants et ambitieux projets pédagogique et de recherche associés autour de ce répertoire méconnu.

Qu’est-ce que la polychoralité ?

La polychoralité est une technique compositionnelle et stylistique qui s’est beaucoup développée après la Contre-Réforme. Cette technique qui se développe par l’expansion de l’application de la polyphonie à la tradition monodique et par la projection des techniques d’alternance de paires de voix, utilisées depuis l’époque de Josquin Desprez (1455-1521) et Jean Mouton (1459-1522), sur des ensembles de huit voix, douze voix, seize voix ou encore plus. Elle utilise plusieurs chœurs distincts avec des jeux de textures en antiphonie et en stile concertato et peut jouer avec différents espaces scéniques ou architecturaux pour créer des effets sonores riches et complexes.

Pourquoi avoir choisi ce sujet de recherche ?

Disséminée dans les genres latins et vernaculaires, elle est très appréciée dans la Péninsule Ibérique. Au XVIIe siècle, elle est la norme dans les fêtes liturgiques majeures. Aujourd’hui, pourtant, elle est peu étudiée et interprétée. Ce projet de recherche développe donc l’étude, la transcription, la mise en pratique et l’enregistrement de sources musicales polychorales ibériques inédites visant une contribution vers une meilleure connaissance de ces répertoires méconnus.

Avec qui le projet s’est-il monté ?

Polychoralités Ibériques intègre le projet « Bridging Musical Heritage » soutenu par l’Europe Créative, rassemblant des chercheurs des Universités de Coimbra (Portugal) et de Valladolid (Espagne), et des musiciens des ensembles O Bando de Surunyo (dir. Hugo Sanches, Portugal) et la Capella Sanctae Crucis (dir. Tiago Simas Freire, France-Portugal), avec la production d’Artway et avec le partenariat du CNSMD de Lyon.
Parallèlement, nous organisons en interne un Atelier de la Recherche avec trois musicologues ibériques (Paulo Estudante, José Abreu, Soterraña Aguirre) qui viendront parler de leurs travaux aux étudiant·es et un workshop d’harpe ibérique avec une spécialiste espagnole (Sara Agueda).
Tout récemment, la Fondation Bullukian s’est ajoutée aux soutiens du projet !

Qu’allons-nous entendre le 12 mars prochain à la Trinité ?

Le programme du concert rassemble des sources musicales ibériques inédites et qui sont emblématiques de cette polychoralité spectaculaire issues de deux des plus riches archives musicales de la Péninsule : la Cathédrale de Valladolid en Espagne et le Monastère de la Sainte Croix à Coimbra au Portugal.

À Valladolid nous rencontrons des répertoires à la fois locaux et internationaux, parmi lesquels nous avons sélectionné un motet à trois chœurs du flamand Philippe Rogier (1561-1596) et une messe à quatre chœurs du portugais Alfonso Vaz de Acosta (? – 1660), tous deux au service de Castille.
À Coimbra, un ensemble de manuscrits du milieu du XVIIe siècle – nommé les Cartapácios – est parmi les rares sources manuscrites portugaises avec les œuvres en triple et en quadruple-chœur. Dans cette collection nous avons puisé deux psaumes (Dixit Dominus et Beati omnes) et un vilancico anonymes datant entre 1645 et 1655 issus du Monastère de Santa Cruz. Le Dixit Dominus et le premier psaume pour tous les offices de vêpres et le Beati omnes et le psaume spécifique pour les vêpres de la Fête Dieu. Le vilancico est un vilancico de noir, genre emblématique de Noël, où les quatre chœurs représentent quatre peuples : Angola, São Tomé, Cap Vert et Mozambique. Nous exécutons la dernière section de ce vilancico où les personnages fêtent et dansent en chantant devant l’enfant Jésus.
Dans le territoire lusitanien nous pouvons vérifier l’importance de la polychoralité par sa présence dans le catalogue de la bibliothèque musicale du Roi João IV, daté de 1649, où les deux tiers des compositeurs ayant des œuvres liturgiques polychorales dans le catalogue présentent des compositions pour douze voix ou plus.

En quoi le programme du concert illustre-t-il le sujet de recherche ?

Ce concert est d’abord l’image sonore d’un projet pédagogique ambitieux où, en partenariat avec la Maitrise de la Cathédrale Saint Jean de Lyon et les Grands Concerts de Lyon de la Chapelle de la Trinité, les étudiant·es de la délégation de Musiques Anciennes et de Direction de Chœur du CNSMD Lyon et les maitrisiens de la Cathédrale de Lyon pourront ainsi travailler au plus proche de sources musicales inédites et avec les chercheurs qui les manipulent et étudient, dans un projet d’une rare ampleur scientifique, artistique et musicale. Avec le concours de l’Université de Musique et des Arts du spectacle de Graz (Autriche), deux étudiantes (en échange Erasmus spécifiquement pour ce projet) complèteront l’effectif instrumental typiquement ibérique de la première moitié du XVIIe siècle.

Comment le concert va-t-il s’intégrer in fine dans le projet de recherche ?

La captation sonore et vidéo du concert mais aussi des séances de travail, des workshops et du séminaire nourrira un reportage documentaire autour du projet qui enrichira la future publication qu’il en sera faite. A la suite du concert, toute l’équipe sera prête pour un enregistrement sonore (les 16-17 mars) qui illustrera un livre-disque qui paraîtra dans la Presse Universitaire de Coimbra en partenariat avec Artway Records. L’idée est ainsi de valoriser le projet, et surtout le répertoire méconnu étudié, au-delà du concert du 12 mars et d’en faire une communication globale auprès de la presse spécialisée, des musiciens, des chercheurs et des mélomanes.

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