Gilbert Amy © B. Adilon

Saison passées | saison 2016 - 2017

Gilbert Amy,
une voix en résistance

Création musicale et improvisation

Lundi 14 novembre
20:00 - Loft Goethe-Institut
18, rue François Dauphin
Lyon 2e
04 72 77 08 88
Gratuit

Classes de chant et d’accompagnement au piano
Département de musique de chambre

Avec la participation de Sergio Menozzi, saxophone

Arnold  Schönberg
Deux Lieder op. 1 : Dank & Abschied
Antoin Herrera, baryton & Anna Giorgi, piano

Gilbert Amy
Œil de fumée pour chant et piano
Lorraine Tisserant, mezzo-soprano & Chiko Miyagawa, piano
Jeux, version pour saxophone soprano
Sergio Menozzi, saxophone
Dessin animé, sur un poème de René Leynaud,
version pour baryton et violoncelle solo
Florent Karrer, baryton & Noémie Golubovic, violoncelle
… D’un désastre obscur pour mezzo-soprano et clarinette
Jingchao Wu, mezzo-soprano & Sergio Menozzi, clarinette
Deux mélodies sur des poèmes de René Leynaud (Chanson, Dit), version pour soprano et piano
Sophie Hanne, soprano & Marwan Dafir, piano
Sergio Menozzi, saxophone

Franck Krawczyk
Repetitio pour accordéon et saxophone alto
Franck Krawczyk, accordéon & Sergio Menozzi, saxophone alto

Dans le cadre du cycle « Mehr Licht, salon de lumière »,
et du parcours « L’infini turbulent ».

Goethe Institut

L’infini turbulent

Un parcours Gilbert Amy pour ses 80 ans

Figure emblématique de la modernité musicale, Gilbert Amy nous livre un catalogue d’œuvres variées qui s’inscrit dans l’histoire contemporaine, avec une expression très personnelle où la voix et le texte occupent une place de choix.

Ancien directeur du CNSMD de Lyon, Gilbert Amy, passionné de philosophie, de poésie, esthète amoureux des arts en général et de la peinture en particulier, a été l’élève de Darius Milhaud et Olivier Messiaen. Cet esprit précoce, admiratif de la seconde école de Vienne, est capable de ressentir aussi bien que d’exprimer la complexité d’une poétique visionnaire (Klee, Rimbaud, Michaux, Char, Deleuze, pour n’en citer que quelques-uns). Il est le témoin direct de Stravinsky, Varèse, Schaeffer, Xenakis et le disciple-compagnon de ce qui fut l’avant-garde la plus active des années 60, Boulez, Stockhausen…
Bien qu’auteur avant tout, c’est aussi un interprète — pianiste, chef d’orchestre — de la pensée musicale. Pédagogue et acteur social, il est à son tour le chef de file d’une nouvelle génération de compositeurs qui seront aussi joués.
Toutes les forces du Conservatoire (Atelier XX-21, départements de musique de chambre, claviers, voix et direction de chœurs) sont très heureuses de s’associer à ce parcours pour son 80e anniversaire, où une grande partie de son œuvre soliste, de musique de chambre et pour ensemble, sera donnée.
Cette rétrospective verra comme point d’orgue la Missa cum jubilo à entendre le 4 décembre à l’Auditorium de Lyon, sous la direction de François-Xavier Roth pour conduire l’Orchestre et les chœurs.
Nuit festive d’ombre et de lumière le 18 novembre, exposition des étudiants du département de culture musicale sur la durée de l’événement, master-classe publique et sa restitution en concert données le 5 décembre par le Quatuor Parisii et enfin journée d’étude le 8 décembre, éclaireront également la singularité et la richesse d’une des plus grandes personnalités musicales de notre temps.

Autour du programme

Ce concert se présente comme un hommage à un pan aujourd’hui peu connu de la poésie française du XXe siècle, celle des poètes résistants Louis Parrot et René Leynaud.
Louis Parrot (1906-1948) est un romancier, journaliste, essayiste, traducteur et poète français. À Madrid, peu avant la Guerre d’Espagne, il rencontre Paul Eluard avec lequel il tisse de profonds liens d’amitié. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Parrot correspond avec son ami en Zone libre et collabore avec les Éditions de Minuit, éditions clandestines fondées par des intellectuels français sous l’occupation allemande. À la fin de l’année 1945, il publie L’intelligence en guerre, un témoignage essentiel de la résistance intellectuelle et artistique pendant la guerre – sa maison étant, de 1940 à 1944, un lieu de passage où des hommes de lettres organisent la résistance.
Son recueil Œil de Fumée, marqué par le symbolisme très en vogue à l’époque, est publié à titre posthume en 1953. En 1956, Gilbert Amy, sur le chemin du sérialisme, s’en empare pour composer son opus 1 : une version pour voix et piano de ses cinq poèmes (Oiseau peint, Carnaval Taki, Bientôt la nuit, La grenade et La fleur sans parfum). Un an plus tard, en 1957, il orchestre la partie de piano.
Autre grande figure de la Résistance présente au concert de ce soir : René Leynaud. Né à Lyon en 1910 et mort en 1944, ce journaliste et poète est connu pour ses actes de résistance au sein du mouvement lyonnais Combat. En mars 1944, il est arrêté par la milice Place Bellecour avant d’être fusillé trois mois plus tard à Villeneuve, dans l’Ain. Plusieurs fois exhumée, l’œuvre poétique de Leynaud a fait l’objet d’une réédition par le Goethe-Institut en 1994.
En 2003, Gilbert Amy, qui accorde beaucoup d’importance à la musique vocale, enrichit son catalogue des Trois mélodies sur des poèmes de René Leynaud, « Chanson », « Matin » et « Dit ». La même année, il met en musique un quatrième poème, Dessin animé, pièce dans laquelle il associe cette fois la voix de baryton au violoncelle, instrument monodique.
Dans …D’un désastre obscur, Amy associe également la voix (mezzo-soprano) à un instrument monodique : la clarinette en la. Cette œuvre, dont le titre ténébreux laisse présager le destin tragique du dédicataire, est un hommage personnel à Jean-Pierre Guézec, son camarade en classe de composition au Conservatoire de Paris, mort prématurément en 1971, à l’âge de 36 ans.

Comme un écho, la poésie tchèque de Karl von Levetzow (1871-1945) mise en musique par Arnold Schoenberg (1874-1951) s’invite à ce concert.
Composés en 1898 par le fondateur de l’École de Vienne, ces Zwei Lieder opus 1 s’inscrivent sur la voie de la modernité déjà engagée par les dernières œuvres de Johannes Brahms et d’Hugo Wolf. Bien qu’écrites dans un langage tonal, l’invention mélodique et la richesse des intervalles de ces deux Lieder préfigurent déjà le profond renouvellement qui sera opéré par le compositeur dans les années suivantes. Schoenberg dédie ses Zwei Lieder à Alexander von Zemlinsky, son professeur et ami, qui en assure la création à Vienne avec le baryton Eduard Gärtner, en 1898.

De la musique vocale à la musique instrumentale, il n’y a qu’un pas, celui des nombreux compositeurs qui, depuis l’époque baroque, s’intéressent à la dimension narrative et rhétorique de la musique instrumentale. Franck Krawczyk, qui s’est notamment formé auprès de Gilbert Amy, décline depuis 1995 une série d’œuvres pour instruments seuls ou duo sous le nom de Repetitio. Le « repetitio » est une figure de style empruntée à la littérature qui consiste en la sélection de la différence dans la répétition. Krawczyk offre un même matériau musical de départ à des instrumentistes de styles variés (classique, rock, musiques traditionnelles…) afin qu’ils se l’approprient. Chaque version de la pièce devient alors le fruit d’un travail collaboratif entre les interprètes et le compositeur.
Gilbert Amy compose Jeux en 1973. Originalement écrite pour un à quatre hautbois, cette pièce, qui explore la dimension spatiale du temps, est adaptable au saxophone soprano. En-harmonies, pour harpe solo, s’inscrit dans la tradition des œuvres commandées par le Conservatoire de Paris. Idiomatique et virtuose, elle met en valeur l’instrument et son interprète.

Cécile Lartigau
Etudiante du département de culture musicale du CNSMD de Lyon.

Gilbert Amy