Citroen

Saison passées | saison 2016 - 2017

Du CNSMD de Lyon
à l’Autriche en Citroën

Musique de chambre

Samedi 26 novembre
20:30 - Immeuble de l'ancien garage Citroën
35 rue de Marseille
69007 LYON

22 euros plein tarif - 15 euros : moins de 18 ans, étudiants, demandeurs d'emploi - Gratuit : moins de 12 ans accompagné

Florian Laforge, violoncelle
Samuel Fernandez, piano
Quatuor Varèse : François Ganichet, Julie Géhan-Rodriguez, violon
Sylvain Seailles, alto ; Thomas Varez, violoncelle
Florent Hu, piano

Wolfgang Amadeus Mozart
Concerto pour piano en fa majeur n°11 K. 413

Franz Schubert
Sonate en la mineur Arpeggione D. 821, pour violoncelle et piano
Quintette à cordes en ut majeur D. 956

Note de programme

Concerto pour piano n°11 en fa majeur, K. 413
Le onzième concerto pour piano K. 413 de Mozart est composé en 1782 en même temps que les concertos douze et treize. En cette année 1782, Mozart a totalement assimilé l’influence de l’école de Mannheim et sa redécouverte de la musique de Bach a entraîné un intérêt assumé pour le contrepoint, comme le prouvent ses six transcriptions pour quatuor à cordes de fugues du Second livre du Clavier Bien Tempéré. C’est également à cette période qu’il achève son très beau Quintette à cordes en ut majeur et commence les Six quatuors dédiés à Joseph Haydn. La même année il rencontre le succès grâce à l’opéra L’Enlèvement au sérail, avant d’épouser, quelques jours plus tard, Constanze Weber. C’est donc une période charnière dans la production artistique et dans la vie personnelle du compositeur viennois.
Ces concertos sont écrits pour un petit orchestre de chambre (les cordes usuelles, 2 hautbois, 2 bassons et 2 cors). Néanmoins afin d’en faciliter la diffusion Mozart propose une version sans les vents avec le seul quatuor à cordes ce qui n’altère pas le caractère général de l’œuvre mais lui permet de basculer de la musique symphonique à la musique de chambre, plus intime.
Le premier mouvement est un Allegro de forme sonate. Deux thèmes s’opposent dans une exposition : le premier est joué dès les premières mesures et se caractérise par des grands intervalles ; le deuxième thème se remarque par ses notes répétées et sa ligne mélodique ascendante. Les deux thèmes sont travaillés dans un développement qui accroîtra les tensions mélodiques et tonales. Puis arrive une réexposition qui met fin aux tensions accumulées depuis le début. Le deuxième mouvement, un larghetto, est un vaste déploiement mélodique et vocal influencé par le monde de l’opéra. Le finale, indiqué Tempo di minuetto, alterne un refrain joué tout de suite par les cordes avec des épisodes plus virtuoses réservés au soliste.
Ce concerto allie la grâce et l’élégance coutumière de l’écriture mozartienne. Dans la correspondance avec son père, Mozart écrit à propos de cette série de concerto pour piano qu’il vient d’achever « Ces concertos tiennent le juste milieu entre le trop difficile et le trop facile ; ils sont très brillants, agréables à l’oreille, sans tomber dans la pauvreté… Pour obtenir le succès, il faut écrire des choses si compréhensibles qu’un cocher pourrait les chanter ensuite ».

Sonate « Arpeggionne » D. 821
L’arpeggione, instrument pour lequel est écrit cette sonate, allie les six cordes et l’accord (mi, la, ré, sol, si, mi) de la guitare avec la forme et le jeu avec archet d’un violoncelle. Cet instrument, fruit du travail du luthier viennois Johann Georg Stauffer (1778-1853), naît en 1823.  Ce même luthier semble avoir commandé cette sonate en 1824 afin de faire la promotion de son instrument. L’arpeggione étant malgré cela rapidement tombé en désuétude, cette sonate est le plus souvent jouée au violoncelle de nos jours (il existe cependant quelques versions enregistrées sur l’instrument original)
La sonate est en la mineur et en trois mouvements. Le premier thème du mouvement initial est joué au piano puis repris au violoncelle. D’une grande simplicité il constitue néanmoins un réservoir pour les développements rythmiques et mélodiques ultérieurs. Le deuxième thème, plus animé, est joué par le violoncelle puis laisse la place à un moment beaucoup plus enjoué. Le mouvement médian est une élégie dont le chant est assuré de manière continue par le violoncelle, une seconde partie plus sombre,  jouée dans le grave de l’instrument, sert de contraste. Ce mouvement lent s’enchaîne avec le finale, un allegretto en la majeur concluant ainsi un passage entre la mélancolie des premières pages de l’œuvre à un caractère plus enlevé pour la fin. Le mouvement alterne un refrain calme avec des interludes plus animés.
Œuvre originale par sa distribution dans la production de Schubert, ces quelques pages font la part belle au violoncelle, ou plutôt à l’arpeggione dont l’existence resta brève malgré la beauté de cette sonate qui constitue l’unique pièce pour violoncelle solo de son auteur.

Quintette à cordes en ut majeur, D. 956
Le Quintette à cordes en ut majeur de Schubert demeure indubitablement l’un de ses ultimes chef-d’œuvres. Il est composé en 1828, année qui sera funeste au compositeur affaibli par la syphilis depuis au moins cinq ans. Bien que proche du terme de sa vie, Schubert est prolixe et les œuvres écrites dans ses derniers mois comptent parmi les plus importantes de sa production. Sa production de lieder diminue – moins de trente – après la composition du Winterreise à la fin de l’année 1827, ce qui lui laisse plus de temps pour se consacrer à d’autres projets comme la Neuvième Symphonie « la Grande », la Messe en mi bémol, les trois Klavierstücke, les trois dernières Sonates pour piano et le présent Quintette à cordes. La courte vie de Schubert semble avoir accéléré sa maturité. Comme pour tous les génies foudroyés dans leur jeunesse nous ne pouvons qu’imaginer ce qui restait à composer. Par son mode de vie et sa fin, la vie de Schubert crée la figure du héros romantique, héros qui sacrifie sa vie afin de se concentrer sur son génie et son « devoir » vis-à-vis de celui-ci, quitte à mener une vie d’errance.
Alors que les quintettes à cordes de Mozart privilégiaient un second alto, ce qui renforçait le registre médium, Schubert ajoute un second violoncelle qui pourra tantôt renforcer la basse, tantôt renforcer l’alto. Ce dispositif, expérimenté dans les quintettes de Boccherini (1743-1805), permet au premier violoncelle de quitter fréquemment le rôle de basse qui lui est assigné usuellement et de devenir par moment un soliste accompagné par un quatuor à cordes renforçant ainsi l’aspect orchestral de l’œuvre. D’après Marcel Schneider, le choix d’un deuxième violoncelle accentue l’atmosphère romantique et troublante de l’œuvre1.
Le quintette est construit en quatre mouvements qui suivent l’habituelle alternance entre mouvements vifs et lents. Les premières mesures déconcertent : la tonalité de ut majeur met dix-neuf mesures à se confirmer, mais surtout l’extrême étirement des premiers accords perturbe la perception du temps. En quelques mesures Schubert bouscule déjà de nombreux codes qui deviendront des acquis pour la génération romantique suivante. Le premier thème ne se détache clairement qu’après l’extension des durées des premières mesures. Le deuxième thème est en mi bémol et est d’abord joué aux violoncelles comme un duo vocal, il est accompagné des pizzicati de l’alto et des deux violons jouant des notes répétées dans l’aigu. Un troisième thème, plus léger, chante au violon avec en contrepoint l’alto.
Le début du deuxième mouvement, en mi majeur, reprend plusieurs caractéristiques du premier mouvement : étirement du temps, pizzicati pour le violoncelle et notes répétées au premier violon pour l’accompagnement créant ainsi une forme d’unité, voire de cycle, chère à la génération romantique. La partie contrastante est en fa mineur, une tonalité très éloignée, soulignant l’opposition entre la sérénité du premier thème et l’angoisse du second. Le retour de mi majeur va de pair avec celui du thème initial, cependant le premier violon et le second violoncelle agrémentent de guirlandes le thème, distillant ainsi une partie de l’agitation présente dans la partie contrastante avant que celle-ci ne meure un peu plus loin. Un très bref accord de fa mineur plonge momentanément l’auditeur dans le doute à l’extrême fin.
Le troisième mouvement, en ut majeur, est un scherzo noté Presto dont l’instabilité tonale ne prend sens qu’à l’arrivée de la partie contrastante. Là où les classiques s’attendraient à un « Trio » servant d’intermède, Schubert place un Andante sostenuto en ré bémol majeur alliant ainsi l’éloignement du tempo avec celui de la tonalité. Ce procédé de rupture rythmique est déjà utilisé dans le Scherzo de la Neuvième Symphonie de Beethoven, œuvre à la création de laquelle l’auteur du Winterreise avait assisté en 1824. Ainsi le compositeur se joue de son auditeur et prend peut-être le terme de scherzo, qui veut dire plaisanterie en italien, au sérieux.
À propos du final, Marcel Schneider écrit Nous nous attendions à une autre fin, mais soit que Schubert veuille affirmer une joie ingénue qu’il ne possède plus depuis 1823, soit qu’il espère se concilier les puissances qu’il faut nommer en agissant comme un musicien qui ne tourmentent pas les soucis, soit enfin que par modestie il décide de terminer de façon ordinaire cette œuvre extraordinaire, il nous offre une conclusion d’allure populaire, sans prétention, qui évoque les réunions amicales des tavernes viennoises, comme si, après nous avoir plongé dans les ténèbres de son âme et nous en avoir révélé les mystères, Schubert voulait remonter à la surface et nous laisser le souvenir de son apparence habituelle, comme si les angoisses, les nostalgies et les visions célestes du Schubert des heures solitaires cédaient le pas à l’image qu’offrait l’homme extérieur.

Simon Bollenot, étudiant du département de culture musicale
et de la classe d’orgue du CNSMD de Lyon

Dans le cadre du Festival Piano Décalé