violoncellebaroqueBA1920

Saison passées | saison 2020 - 2021

[Confiné] Département de musique ancienne

Musique ancienne

Lundi 3 mai
16:30 - Chapelle du lycée Saint Louis – Saint Bruno
16 rue des Chartreux
69001 Lyon

SANS PUBLIC

COMPTE TENU DE LA SITUATION SANITAIRE ACTUELLE, L’ÉVÉNEMENT EST MAINTENU À HUIS CLOS, SANS PUBLIC.

Antonio Caldera (1670 – 1736)
Oratorio Maddalena ai piedi di Cristo (Marie-Madeleine aux pieds du Christ)

Mise en scène : Robert Expert, et les chanteurs, avec l’impulsion de deux jours de master class par Benjamin Lazar

Madeleine : Camille Fritsch
Marthe : Gabrielle Varbétian
Amour Céleste : Nicolas Kuntzelmann
Amour Terrestre : Brice Clavier-Homberg
Jésus : Almeno Gonzales

Orchestre du département de musique ancienne sous la direction de
Riho Terajima, clavecin,
et Colin Heller, violon1

Avec
Sophie Pieraggi,  violon 2
Galel Sanchez, viola alto
Federica Basilico, Viol tenor
Thomas Guyot, violoncino
Michel Souppaya, violoncelle
Gustavo Martinez,  théorbe
Luce Courceulles, harpe ancienne

Dans la pédagogie du chant, le travail technique est un mille-feuilles qui a des allures de montagne. La scène, elle, le fait passer au stade de mal nécessaire. C’est un second couteau sans lequel aucun exploit n’est possible, mais seul il n’atteindra jamais la transcendance. A l’inverse, l’incarnation d’un personnage dans la réalité des planches en est coutumière.
Quoi de plus réel que la scène ? Luchino Visconti l’a compris en 1953 à la Scala de Milan : Callas, chantant l’air d’Amor sull’ali rosee, s’est avancée tellement au bord de la fosse d’orchestre que le fameux metteur en scène s’est retrouvé, dans sa loge d’avant-scène, derrière elle. Le public, dans l’immense vaisseau du temple de l’art lyrique, était devenu le décor, et Callas, focalisant toute l’énergie du cosmos, avait fait basculer la fiction dans la réalité la plus charnelle d’un présent qui vous cloue par son évidence, son urgence, la matérialité inouïe du son qui vient nouer vos tripes.
Comment imaginer une formation au niveau de celle que nous ambitionnons et construisons au sein du département de Musique Ancienne du CNSMD de Lyon sans mettre nos jeunes prodiges en situation de comédien chantant ? Une classe de maître dispensée avec un immense talent par Benjamin Lazar nous a mis le pied à l’étrier pour vous proposer notre lecture de la Madeleine aux pieds du Christ de Caldara.
Nous avons choisi de ne pas nous priver de l’éloquence de la gestuelle baroque, ni du plaisir coupable de l’abîmer dans des dérapages réalistes qui installent un ping-pong de niveaux d’interprétation… à défaut d’être cohérent, ce parti pris nous a semblé très pédagogique, et ludique. Nous n’avons négligé aucun poncif véhiculé par de si fameux personnages, mais avons aussi sincèrement lu (au sens nothombien d’ingérer) la partition pour tenter de trouver comment Caldara chérit de l’intérieur ses 5 héros (quelques coupures nous ont fait supprimer l’un d’eux, le Pharisien) ; les récits, en particulier, sont merveilleux de précision rhétorique et de subtilité psychologique ; notre mise en espace n’est qu’un travail de lecture entièrement guidé par le maître.
Tout le monde est amoureux de Madeleine, Caldara le premier. Elle est pécheresse, il adore cela, elle se repend, il adore cela. L’âme de Madeleine, perturbée par sa sublime sœur Marthe (toute acquise, elle, à la métaphysique) est ballotée entre son ange blanc, Amour Céleste, et son diable rouge -et noir- Amour Terrestre. Mais on vous l’a dit, Caldara aime tout de Madeleine, aussi le traitement musical des frères ennemis joue-t-il parfaitement les équilibres : l’on sent bien que le cœur du maestro penche tour à tour vers l’un ou l’autre, nonobstant la morale édifiante qui impose bien entendu la victoire du bien sur le mal.
Quant à Jésus, il déboule tel un beatnik, déconcertant de naïveté joyeuse. Irrésistible de sex-appeal innocent, il fait tomber Madeleine comme un fruit mûr, adroitement préparée par Marthe et Amour Céleste ; les sœurs s’envolent pour de nouvelles amours…
Robert Expert

Les multiples visages de la Magdaléenne

Figure féminine majeure du Nouveau Testament, Marie la Magdaléene, Marie de Magdala ou Marie-Madeleine est l’une des Saintes dont le nom est encore aujourd’hui associé à un folklore très présent. Ce folklore s’est construit par l’assimilation à Marie de Magdala d’autres figures féminines présentes dans le Nouveau Testament, probablement au VIème siècle. Ce sont ces figures, ces visages de Marie-Madeleine qui en font un personnage tout à fait à part.
Marie, appelée Madeleine, libérée des démons : le Christ l’aurait libérée de sept démons avant que celle-ci ne décide de le suivre devenant ainsi son disciple.
Marie, sœur de Marthe et de Lazare : elle serait également la sœur de Marthe de Béthanie et de Lazare, celui que le Christ ressuscitera. A l’opposé de Marthe, qui s’occupe de l’intendance et de la maison lors de la visite du Christ, Marie reste à ses pieds de celui-ci pour écouter sa parole. Marie et Marthe incarnent ainsi deux façons de servir le Christ.
Marie de Magdala, apôtre des apôtres : elle est, au pied de la Croix, témoin de la Crucifixion. Elle est surtout, et avant tout, la première à voir le Christ après la Résurrection. Se rendant au tombeau qu’elle trouve vide, Jésus lui apparaît. Marie veut le toucher mais celui-ci la repousse et lui dit Noli me tangere : ne me touche pas, ne me retiens pas. Elle sera celle qui annoncera aux apôtres la nouvelle de la résurrection. Marie partira ensuite comme les autres disciples évangéliser, jusqu’en Provence d’après sa légende dorée.
Ces multiples visages, ces confusions, ces associations font de Marie un personnage complexe et profondément humain. Ce voyage intérieur de Marie dans le livret de Lodovico Forni témoigne de cette humanité. Ce sont ses doutes et son questionnement qui en font pour les auditeurs de cet oratorio, la seule figure d’attachement. La foi sans faille de Marthe, l’absence de réel sentiment des Amours et la divinité du Christ les éloignent irrémédiablement de Marie et de son humanité. Les autres personnages ne sont alors que des facettes de sa complexité. Marie-Madeleine est le vaisseau parfait à l’époque de la contre-réforme pour enseigner que rien n’est aisé dans la conversion et dans la foi mais que le résultat est céleste et grandiose. Tout gravite autour de ce dilemme d’une femme à l’orée de sa sainteté.
Les peurs et les doutes de Madeleine quant à la renonciation aux plaisirs de la vie sont une invitation à une profonde méditation et Caldara lui offre un écrin musical bien plus complexe qu’il n’y parait. Mais ou mène ce voyage ? A la rédemption de Marie : dans les quatre évangiles il est fait mention de l’onction des pieds ou de la tête du Christ par une femme qui est désignée comme une « pécheresse » chez Saint Luc, Marie, sœur de Marthe et Lazare chez Saint Marc et Saint Matthieu et enfin comme Marie de Magdala chez Saint Jean. Marie serait alors aux pieds du Christ pour l’oindre de parfum. Sa rédemption la mène dans une position de servitude que le Christ prendra lui-même lorsqu’il lavera les pieds de ses disciples. Madeleine est l’annonciatrice des gestes du Christ, le miroir des doutes qui l’envahiront avant sa mort.
Brice Clavier-Homberg

Nos vifs remerciements à :
• Christine de Plas et l’association Muse et Danse de Besançon, Hélène Mockly-Postal, Pascal di Luccio et Anthony Lo Papa, pour les costumes, les accessoires et leur temps sans compter,
• Paulin Bündgen et l’ensemble Celadon pour la mise en relation avec le lycée et la mise à disposition du matériel,
• Au Lycée St Louis St Bruno pour l’accueil en résidence, sans qui le travail n’aurait pas été possible,
• à Elisa Baron pour la captation de l’éphémère,
• Aux instrumentistes d’avoir pris le train de cette aventure avec entrain,
• à Benjamin Lazar d’avoir, en 2 jours de travail, insufflé le vocabulaire gestuel et la philosophie scénique,
• Robert Expert d’avoir conçu, coordonné et porté ce projet dans toutes ses facettes.
• et à tous les agents des services du CNSMD impliqués