Pianoforte

Saison passées | saison 2017 - 2018

Récitals des classes de piano

Piano

Mercredi 10 janvier
20:00 - Salle d'ensemble
3, quai Chauveau
Lyon 9e

Gratuit

Claire Laplace

Jean-Philippe Rameau : Prélude en la mineur – 1706 (Premier livre de pièces pour clavecin)
Jean-Philippe Rameau : Suite en la mineur - 1726 (Nouvelles suites pour clavecin)
Charles Bordes : Caprice à cinq temps – 1891
Maurice Ravel : Tombeau de Couperin – 1914-1917

 

À la fin du XIXè siècle déjà, une génération de musiciens français, pédagogues, compositeurs et interprètes se sont attachés à mettre en valeur le répertoire ancien. À partir de 1895, l’éditeur Durand entreprend la publication des oeuvres complètes de Rameau sous la direction de Camille Saint-Saëns, auxquelles participent les compositeurs de l’époque : notamment Vincent D’Indy, Claude Debussy, Paul Dukas, Reynaldo Hahn, Alexandre Guilmant. Les pièces de clavecin en constituent le premier volume. Dès la préface, le but est annoncé par Saint-Saëns : il s’agit de rendre hommage à ce patrimoine musical, en faciliter la connaissance, et oeuvrer pour populariser cette musique.

Les Suites pour clavecin de Rameau sont de superbes exemples des suites de danses à la française. Un Prélude non mesuré ouvre la première Suite en La, dans la lignée des préludes de Louis Couperin, eux aussi écrits sans barres de mesure, laissant à l’inspiration de l’interprète la durée de certaines notes.

Il était d’usage de choisir dans les suites certaines pièces, pour constituer un bouquet musical, l’appartenance à une même tonalité étant la seule contrainte d’usage. Nous avons ainsi choisi dans les Nouvelles Suites pour clavecin des pièces de la seconde suite en la : Allemande, Courante, Sarabande, et Gavotte. Elles adoptent toutes la forme traditionnelles en deux parties avec reprises, jusqu’aux variations sur le thème de la Gavotte, intitulés « doubles » à cette époque.

Les liens entre populaire et savant sont un des principaux piliers de l’oeuvre de Charles Bordes. Ils se déclinent à travers toutes les facettes de son action musicale : ses publications musicologiques, son travail sur la musique ancienne, et son action de diffusion musicale au travers de publications de revues, création de sociétés, et organisation de nombreux concerts, et sont aussi au coeur de son activité pédagogique : il est à l’initiative de la fondation de la Schola Cantorum en 1896 avec D’Indy et Guilmant qui s’attache à réimplanter la pratique vocale religieuse dans les villes françaises.

L’action de Charles Bordes s’inscrit à la confluence du mouvement en faveur de la musique traditionnelle et de l’exhumation de la musique ancienne dont il est l’instigateur au sein de la Schola Cantorum. C’est par la mise en valeur des répertoires régionaux, très en vogue en dans les dernières décennies du XIXe siècle, et par la composition d’oeuvres mettant en valeur ce patrimoine populaire que s’opère le renouvellement de la musique française savante. Pour Bordes, c’est le pays basque (qui vit naître Ravel à Ciboure en 1875) qui fait l’objet de ses recherches. Bordes effectue un travail d’ethnomusicologue avec le collectage et la publication de musique populaire basque en 1889 et 1890, musique dont il distille les composantes (mélodiques et rythmiques) dans ses oeuvres. Souvent, il s’empare du rythme typique de zortziko – danse caractéristique à 5 temps (3+2). Le Caprice à cinq temps, dont le thème est bâti sur ce rythme, est dédié à sa belle-soeur, la pianiste Léontine Bordes-Pène. Active dans les cercles artistiques de son époque, elle créa avec Eugène Ysaÿe la Sonate pour violon et piano de César Franck. Elle fut aussi dédicataire de son Prélude, Aria et Final, et de la Symphonie sur un thème montagnard de Vincent d’Indy.

Le Tombeau de Couperin, est hommage de Ravel aux clavecinistes français : D’Anglebert, Louis et François Couperin, Rameau… il se situe dans la tradition des « tombeaux », genre en usage au XVIIIe siècle, qui se veut hommage poétique et musical.

Il reprend les formes baroques de la suite de danses, dont il conserve la structure et le caractère. L’écriture déployée par Ravel reprend aussi les ornements du clavecin : dont le compositeur demande expressément qu’ils soient joués « sur le temps » comme c’était le cas. Composé pendant la première mondiale et achevé il y a tout juste cent ans, le Tombeau de Couperin rend un autre hommage, contemporain cette fois-ci. Ravel dédie chacune des pièces un de ses amis morts au front. Dès le début du conflit, le compositeur chercha à s’engager mais, déjà exempté de service militaire en 1895 en raison de sa faible constitution il fut d’abord refusé. Dès lors, l’inaction devint pour lui une torture, mais à force de démarches, c’est finalement comme conducteur d’un camion militaire qu’il fut envoyé près de Verdun en mars 1916.

Les pièces de ce programment convoquent à notre mémoire les figures de grandes interprètes de l’époque : Wanda Landowska et Blanche Selva. Landowska est une des premières actrices du renouveau de l’interprétation de la musique ancienne au clavier. Elle jouait les pièces de Rameau au piano (puis sur son clavecin Pleyel à partir de 1912), notamment dans les concerts organisés par Charles Bordes, comme le Congrès de musique populaire qu’il organisa à Montpellier en 1906 — où se côtoyaient dans la programmation des pièces instrumentales du XVIIIe siècle français, un ballet de Rameau, ses propres pièces, ainsi que celles de ses amis parmi lesquels Déodat de Séverac. Elle enseigna à la Schola Cantorum jusqu’en 1913, année de la mort de D’Indy.

Blanche Selva créa de nombreuses pièces de tous les compositeurs de son époque : Franck, Albeniz, D’Indy, Roussel, Séverac, Witkowski, Ropartz, Magnard. Amie de jeunesse de D’Indy, elle enseigna elle aussi le piano à la Schola Cantorum, et fut une ardente propagatrice des oeuvres « scholistes ». Son intérêt pour la musique ancienne est constant, on lui doit en France la première audition des Variations Goldberg en 1903, mais elle joue aussi bien piano Rameau et Couperin.