Covarrubias-LinDR

Saison passées | saison 2016 - 2017

Voyage d’hiver au printemps

Voix, lyrique et chœurs

Lundi 15 mai
20:00 - Loft Goethe-Institut
18, rue François Dauphin
Lyon 2e
04 72 77 08 88
Gratuit

René Covarrubias Ibañez, ténor
Heng-Pai Lin, piano

René Covarrubias Ibañez, étudiant de la classe de chant du CNSMD de Lyon accompagné par Heng-Pai Lin s’emparent du Winterreise de Schubert qui n’était encore jamais allé aussi loin dans le registre de la solitude et du romantisme désespéré. Les amis auxquels il réserve la primeur de cet opus chanté au piano d’une voix pleine d’émotion, s’avouèrent totalement déconcertés. On les comprend. Aujourd’hui encore, l’audition de ces 24 Lieder sur des poèmes de Wilhelm Müller ne laisse pas indemne.

1. Gute Nacht (Bonne Nuit)
2. Die Wetterfahne (La Girouette)
3. Gefrorene Tränen (Larmes gelées)
4. Erstarrung (Solidification)
5. Der Lindenbaum (Le Tilleul)
6. Wasserflut (Torrent)
7. Auf dem Flusse (Sur la rivière)
8. Rückblick (Regard en arrière)
9. Irrlicht (Feu follet)
10. Rast (Repos)
11. Frühlingstraum (Rêve de printemps)
12. Einsamkeit (Solitude)
13. Die Post (La Poste)
14. Der greise Kopf (La Vieille Tête)
15. Die Krähe (La Corneille)
16. Letzte Hoffnung (Dernier Espoir)
17. Im Dorfe (Dans le village)
18. Der stürmische Morgen (Le Matin tempétueux)
19. Täuschung (Illusion)
20. Der Wegweiser (Le Panneau indicateur)
21. Das Wirtshaus (L’Auberge)
22. Mut (Courage !)
23. Die Nebensonnen (Parhélie)
24. Der Leiermann (Le Joueur de vielle à roue)

Franz Schubert, Voyage d’hiver

En composant, en février puis en octobre 1827, les deux parties du cycle de Lieder du Voyage d’Hiver, Franz Schubert élabore un pendant musical à son précédent cycle, celui de La Belle Meunière (1823) : tous deux comportent un nombre important de Lieder liés les uns aux autres (ce qui leur confère leur qualité de cycle cohérent), tirent leurs textes des vers du même poète, Wilhelm Müller (1794-1727), et abordent la même situation, celle d’un marcheur évoquant ses amours malheureuses.
Miroirs donc que ces deux cycles, mais miroirs inversés : là où La Belle Meunière, malgré le suicide final, conserve une certaine légèreté, le Voyage d’Hiver se pare indéniablement d’une aura enténébrée. A la trame narrative du premier, le second oppose par ailleurs une succession de Lieder qui, loin de dessiner un récit, constituent autant de vignettes dépeignant chacune un état affectif particulier.
Cette perspective non-narrative explique en partie le grand paradoxe qui habite ce cycle : alors que les Lieder mettent en scène la marche d’un voyageur, et sont donc liés au mouvement, ils font preuve d’un statisme certain. Statisme temporel d’abord puisqu’en l’absence de trame narrative, le cycle oscille entre évocation d’un présent non identifié, comme hors temps, et celle d’un passé indéfini rattaché à des souvenirs plus ou moins lointains.

Statisme musical aussi, qui traduit une marche errante dénuée de but ou même de direction. Un « motif de marche », battement régulier de croches qui initie et traverse le cycle, et une prosodie dissociant les accents du texte allemand et ceux de la musique jouent un rôle motorique, mais le mouvement ainsi créé semble tourner en rond. Schubert use pour cela de préludes et de postludes quasi-identiques qui paraissent nier toute évolution au cours de la pièce (Die Krähe – La Corneille, Das Wirtshaus – L’Auberge…). D’autres postludes semblent plus s’estomper par manque d’énergie que véritablement s’achever (Einsemkeit – Solitude…), un effet souligné par la présence de nombreuses phrases mélodiques descendantes qui paraissent elles aussi s’éteindre. Les passages plus vivants et extériorisés, liés aux réminiscences d’un passé parfois sibyllin, sont bien vite rattrapés par l’atmosphère lugubre qui prédomine.
Le statisme est également renforcé par la dimension presque picturale des Lieder « du présent », qui dépeignent un paysage d’hiver achrome, figé dans la neige, le silence et le froid, écrin indifférent de la solitude du marcheur.

Bien qu’en mouvement, le personnage est donc statique, dans un lieu hors du temps et de l’espace. Le voyage, en tant que déplacement d’un endroit à un autre, n’advient donc pas. Schubert propose en effet non pas un itinéraire physique mais un parcours psychologique : au fur et à mesure que l’auditeur s’imprègne des Lieder successifs, qui forment autant de strates émotionnelles de plus en plus funèbres se superposant les unes aux autres, il pénètre peu à peu au plus profond de l’être intime du marcheur.
Le dernier Lied prend dans cette perspective une signification particulière. Adoptant une écriture mécanique volontairement archaïsante, il est le seul à faire intervenir un personnage autre que le narrateur, un joueur de vielle, et tranche par là-même avec l’ensemble des Lieder qui le précèdent. Ce Lied, que d’aucuns interprètent comme un autoportrait de Schubert, semble dès lors faire basculer le point de vue pour adopter celui de l’auditeur. Après un rôle passif de témoin durant le cycle, l’auditeur s’identifie ici au narrateur et est placé devant le choix de suivre ou non le joueur de vielle, (ré)incarnation du marcheur. L’auditeur peut alors rester simple spectateur de la trajectoire émotionnelle du marcheur ou bien se l’approprier et la transformer en expérience intime.

[1] Rapports entre les accents du texte et ceux de la musique.

Gaëlle Fourré, étudiante du département de culture musicale

BIOGRAPHIES

Heng-Pai Lin, piano
Originaire de Taiwan, il débute le piano à Kaohsiung, sa ville natale. Sa formation se poursuit auprès de Mikhail Kollontay et Grace Chung à l’Université Nationale des Arts de Tainan. En 2011, il quitte Taiwan avec sa licence en piano pour continuer ses études en France : tout d’abord, il se perfectionne à la Schola Cantorum avec Théodor Parascivesco, puis au CRR de Paris avec Billy Eidi. En parallèle, il étude avec Christine Rouault et Françoise Tillard en accompagnement. Il y obtient en 2013 son DEM en accompagnement avant d’intègrer le CNSMD de Lyon. Il termine en juin 2017 ses études d’accompagnement dans la classe de David Selig.
Parmi ses nombreuses activités, Il découvre le répertoire de musique contemporaine en 2013 dans un stage organisé par l’Ensemble Intercontemporain à Paris. Ses premiers pas dans ce domaine se font ensuite au sein de l’Atelier XX-21 à Lyon. Il a l’opportunité de travailler le répertoire du XXe au notre jour (Schoenberg, Webern, Berio, Crumb…). Il est également passionné par la musique vocale qui lui permet d’enrichir son univers musical. Il bénéficie lors de master-classes, des conseils de grands pianistes et chanteurs tels Hartmut Höll, Emmanuel Olivier, Christian Immer, Sandrine Piau… Il se produit régulièrement lors de nombreux concerts, interprétant notamment les Liebeslieder Walzer (salle Pleyel, Paris) et le Requiem de Brahms (Auditorium de Lyon). Il participe également à plusieurs projets en mélodies et Lieder (Debussy, Britten, Mahler…) à l’Amphithéâtre de l’Opéra de Lyon et au Goethe-Institut de Lyon.

René G. Covarrubias Ibáñez, ténor
René Covarrubias Ibáñez entre au Conservatoire Royal de Bruxelles en 2012, où il obtient sa licence avec distinction en 2015 dans la classe de Marcel Vanaud et Michèle Massina. Actuellement, il suit le cursus de Master au CNSMD de Lyon, dans la classe de Brian Parsons.
D’une nature curieuse, il explore différents styles qui vont de la musique ancienne et de l’oratorio à l’opéra italien, en passant par le romantisme allemand, genre qu’il affectionne particulièrement. Il approfondit la musique de chambre en duo avec piano, dans un répertoire qui comprend Brahms, Schubert, Schumann, mais aussi Chabrier, Ravel, Fauré ou encore Ginastera, qu’il interprète lors de récitals divers. Dans le répertoire de l’opéra, il est Paolino (Il Matrimonio Segreto – Cimarosa), Gernando (L’isola Disabitata – Haydn), Flute (A Midsummer night’s dream – B. Britten), Orphée et John Styx (Orphée aux Enfers – Offenbach), entre autres. Il participe aussi à la création du spectacle comico-musical Croquenbouche avec la troupe « Entre le Zizte et le Zeste ». Actif également dans le répertoire de la musique contemporaine, il participe en tant que soliste à des créations d’œuvres de compositeurs tels que Benoît Jacquemin, Romain Zante et Király László.
Prochainement, on le verra dans le Magnificat et la Cantate n°11 de Jean-Sébastien Bach à Notre-Dame de Fourvière, ou dans L’adorable Bel-Boul de Massenet au Château de Chabenet.

Dans le cadre de « Mehr Licht, salon de lumière ».

Goethe-Institut Lyon